Introduction : Le dilettante devant les symboles
Raconter des histoires a toujours été, à travers les âges, à la fois chose sérieuse et frivole divertissement. D’un bout de l’année à l’autre, des histoires sont ainsi conçues, couchées par écrit, dévorées, oubliées. Que deviennent-elles ? Il en survit à peine quelques-unes, et ce sont elles qui, pareilles à des semences emportées par le vent, s’envolent à travers les générations, propageant de nouvelles histoires et dispensant à de nombreux peuples la nourriture spirituelle. Presque tout ce qui constitue notre propre héritage littéraire nous est parvenu ainsi, du fond d’époques reculées, de coins lointains et inconnus du monde. Chaque nouveau poète y ajoute quelque chose de la substance de sa propre imagination, et d’être ainsi alimentées elles se remettent à vivre. Leur faculté germinative est éternellement vivace, attendant seulement un contact pour s’éveiller. Et ainsi, bien que de temps en temps certaines variétés puissent donner l’impression d’être éteintes, elles réapparaissent un jour, faisant sortir de nouveau, aussi frais et verts qu’auparavant, leurs bourgeons caractéristiques.
Le conte traditionnel et les problèmes qui lui sont apparentés ont fait l’objet de maintes discussions profondes, et même exhaustives, selon les points de vue de l’anthropologue, de l’historien, de l’érudit littéraire et du poète, mais, en revanche, et c’est étonnant, le psychologue n’a pas eu grand-chose à dire jusqu’ici, bien qu’il soit légitimement fondé à réclamer une voix à ce colloque de spécialistes. La psychologie projette un rayon X à l’intérieur des images symboliques de la tradition populaire, ramenant à la lumière du jour des éléments structuraux d’importance vitale qui jusque-là étaient plongés dans la nuit. (…)
Le Roi et le cadavre. Les mythes essentiels pour la reconquête de l’intégrité humaine.
Henrich Zimmer, Léon-Gabriel Gros (trad.). Fayard, 1972.