«Le langage ne se borne pas à nommer la réalité , il lui confère sont existence : magie accomplie au moyen de mots, et au moyen de ces comptes-rendus des évènements de la réalité que nous appelons histoires.
Les histoires sont notre façon de rendre-compte de notre expérience du monde et de nous-même et des autres (…)
Dans certains cas des histoires peuvent nous venir en aide. Elle peuvent parfois nous guérir, nous illuminer et nous montrer les chemin. Et surtout, elles peuvent nous rappeler notre condition, percer l’apparence superficielle des choses et susciter en nous l’intuition des courants et des profondeurs sous-jacents.
Les histoires peuvent alimenter notre conscience, et, par là, nous amener à savoir, sinon qui nous sommes, du moins que nous sommes. Connaissance essentielle qui s’enrichit par la confrontation avec la voix d’autrui.
Si être, c’est être perçu, alors il est indispensable, pour savoir que nous sommes, d’avoir conscience des autres que nous percevons et qui nous perçoivent. Peu de méthodes sont mieux adaptées à cette tâche de perception réciproque que la narration (…)
Dans certains cas de grande détresse, un récit est un refuge
où l’on peut se mettre à l’abri de l’horreur quotidienne.
Il ne donne pas sens au malheur, il ne l’explique ni le justifie, il n’offre pas même d’espoir ou d’avenir. Il existe simplement comme un point d’équilibre,
un rappel de la lumière en un temps de sombre catastrophe, il aide à survivre.
Tel est je crois le pouvoir de la fiction.»
EXTRAITS DE « LA CITE DES MOTS » d’Alberto Manguel